“Pour faire un film, premièrement, une bonne histoire, deuxièmement, une bonne histoire, troisièmement, une bonne histoire.” Henri-Georges Clouzot
Vous connaissez certainement cette célèbre citation ( que l’on a attribué à différentes personnalités soit dit en passant). Il n’y a rien de plus vrai. Sans histoire, il n’y a rien. L’histoire c’est la vie.
Pour le dessin c’est pareil.
Sans histoire, un dessin n’est rien ou sinon pas grand chose d’intéressant. Oui un dessin peut être anatomiquement juste, avoir une bonne compréhension des volumes et être complètement sans vie. Un dessin parfaitement juste est ennuyeux.
Quel est l’objectif de votre dessin ?
Vous devez vous poser ces questions: Pourquoi est-ce que je dessine ? Dans quel but ? Quelle idée je veux faire passer ? Qui est le personnage que je dessine ? Que ressent-il ?
Quand une personne regarde votre dessin, vous attendez une réaction de sa part. Si une personne passe en revue vos dessins sans montrer le moindre signe d’excitation sur son visage, vous n’allez pas être très content. Pourquoi ? Parce que ce que vous cherchez en tant qu’artiste c’est créer une connexion avec les autres être humains. Et cette connexion vous voulez la faire à travers l’esthétique de votre art, certe, mais vous voulez que votre dessin soit vecteur d’émotion. Vous tentez de faire naître une réaction ou une émotion chez un autre être humain, que ce soit le rire, la surprise, la tristesse, la réflexion, etc. Vous devenez un grand artiste lorsque vos traits sont vecteurs d’émotions. Et ce qui créer l’émotion, c’est le fameux storytelling.
Qu’est-ce que l’on entend par histoire ?
Vous allez me demander: “Ouais Yo, c’est sympa ton truc, mais comment tu racontes une histoire avec un seul dessin ? Comment je raconte quelque chose en dessinant un visage ? hein, Yo ? Répond !!!”
Et je vous répondrai: “Hey, doucement on se calme, je vais t’expliquer:”
Il y a plusieurs façons de faire du storytelling avec un seul dessin, mais évidemment, tout dépend si vous faites une illustration, un tableau, un portrait, un croquis rapide dans le métro, etc.
Avant l’invention du Cinéma, les gens allaient dans les galeries pour qu’on leur raconte des histoires devant UN tableau… c’est à dire une seule image. Peut-être qu’ils restaient 1h50 devant ces tableaux car on oublie parfois tout ce qu’une seule image peut raconter.
Prenons par exemple le tableau de Diego Velasquez, La reddition de Breda (1635)
Le tableau représente la victoire de l’armée espagnole sur les Hollandais lors de la bataille de Breda qui eut lieu en 1625. La bataille est terminée comme en témoigne les fumées en arrière plan, les lances bien rangées et pointées vers le ciel du côté des vainqueurs. De l’autre côté, le camps semble plus dispersé, certains apparaissent en sang. Justin de Nassau, en position de soumission apparaît avec les clés de Breda à la main et fait le geste de s’agenouiller, geste qui est interrompu par son rival qui pose une main sur son épaule et l’empêche de s’humilier. Velasquez ne fait pas ici qu’une “représentation”, il instaure des notions de temps, d’ellipse, de rapports de forces entre les personnages, de la caractérisation, bref, il raconte une histoire, des personnages.
Raconter sans personnage ?
Même lorsque vous faites un dessin sans personnage vous pouvez raconter quelque chose ! Lorsque vous faites un croquis de rue, un décors, des objets, il est toujours possible de raconter une histoire. Voici une illustration que j’ai faite pour un exercice de design aux Gobelins. Il s’agit de la Bibliothèque de Nosferatu le vampire.
On amène du storytelling dans un décors ou un lieu en rendant cet espace hanté par la présence supposée, passée ou futur de personnages qui y vivent. Comment ai-je amené de la caractérisation dans ce décor ? Comment la personnalité et l’histoire de Nosferatu ressort à travers ce lieu vide ?
Il y a évidemment le tableau immense du guerrier au dessus de la cheminée qui témoigne du passé humain du vampire. La hauteur de la salle, de la bibliothèque, l’immense cheminée en marbre, les moulures, etc donne une indication immédiate sur le niveau social du propriétaire des lieux, Nosferatu est riche ou du moins l’a été dans le passé. Une des idées principales est de montrer l’obsession de Nosferatu: Le temps qui passe. On le voit à travers la grande horloge en plein centre mais bien sur à travers les innombrables livres qui s’entassent dans la pièce. C’est une bibliothèque qui déborde, ses livres débordent des étagères tellement ils sont nombreux. Oui, Nosferatu doit passer le temps, l’éternité, il a donc malgré l’immensité de sa bibliothèque trop de livres pour ses étagères. On comprend alors que Nosferatu s’ennuie, qu’il passe son temps à lire, à se réchauffer au coin du feu… mais pas que…. En témoigne la chaussure de femme négligemment oubliée devant la cheminée.
L’idée est que la présence de Nosferatu soit partout malgré son absence physique, il n’est pas là et pourtant partout à la fois, ce dessin parle de lui. Maintenant, voyons ce qu’il faut faire pour raconter au travers des personnages eux-mêmes.
Moins d’Anatomie, plus de Story !
L’idée est dans le titre: Oubliez l’anatomie, les volumes, la perspective, oubliez la technique et concentrez vous sur l’énergie, sur les sentiments de votre personnage. Parce que le Story prime sur l’Anatomie, ne développez pas trop les formes de vos personnages ou la morpho au début… prenez un personnage extrêmement simple et explorez différentes idées, toutes les possibilités d’acting. Pensez également à théâtraliser ! N’ayez pas peur de pousser une idée encore et encore, allez au bout de vos idées. On a souvent tendance à être rapidement séduit par ce que l’on fait. Il faut pousser les poses, c’est pour cela que l’exercice de Gesture est si important.
On se fout de la qualité du trait, dessinez vite et léger. Tentez de saisir une énergie. Le but est de se faire plaisir, amusez-vous avec différentes situations et histoires. Vous pouvez suggérer des vêtements ou des ombres si cela aide votre histoire mais restez le plus élusif possible.
Les interactions entre plusieurs personnages sont souvent un source infinie de possibilitées. Il y a histoire dès qu’il y a problème, dès qu’il y a conflit.
Pensez plutôt au feeling général de la pose et moins a comment chaque parties du corps s’emboîtent. On est dans un travail de gesture, guider l’oeil du spectateur pour qu’il voit ce que vous voulez qu’il voit et dans l’ordre que vous souhaitez. Dans l’exemple ci-dessus, il s’agit encore de Nosferatu. Voyez comment votre regard se déplace le long du dessin pour voir la menace de Nosferatu. Son nez pointu aide à diriger le regard vers le cou puis l’on découvre le visage de cette jeune femme qui finalement fait semblant de dormir. En quelques fractions de secondes, on peut passer d’une vision d’un acte dangereux qui mettrait la fille en péril à une situation ou cette dernière semble maîtriser la situation et y prendre un certain plaisir. Ces quelques éléments racontent une histoire entre les personnages, le rapport de force qu’il peut y avoir et suffisamment d’espace pour imaginer autre chose.
Si vous trouvez que vos dessins sont ennuyeux, injectez de la vie, de la caractérisation. Rien ne doit être laissé au hasard. Il faut donner de l’énergie dans notre travail car cela se voit sur le papier après. Pensez à dessiner des situations caucasses, cela surprend les gens et si le public est surpris, il est entertained. Les dessins du dessinateur Len Norris sont gorgés de storytelling, chaque vignette pourrait être raconter pendant des pages et des pages.
Je ne le répèterai jamais assez: Insufflez de l’énergie et de la vie à vos dessins avant de penser perspective ou supination du biceps de l’avant bras. Si vous voulez être un grand artiste vous devez assumer un parti pris fort, proposer une histoire qui captivera vos fans.
Voilà, maintenant allez raconter des histoires ! =)
Yo
Recherches utilisées pour trouver cet article:
https://apprendreledessin com/dessiner-cest-raconter-des-histoires-1/
A propos de Julie Fuster
Diplômée de l’Ecole du Louvre, auteur, rédactrice, traductrice… droguée aux mots sous toutes leurs formes.
A propos de Yoann Bomal
Artiste, blogueur, youtuber, entrepreneur, aime le beurre.
Fondateur du site apprendreledessin.com
Yo says
Super Cago, ne laisse jamais tomber le crayon 😉
Cago says
Merci pour tous ces conseils, tu me motives à chaque fois à reprendre mon crayon! 🙂