Yo !
Lorsque Anton Ego s’assoit à la table du restaurant du rat Rémi dans Ratatouille, il demande à ce qu’on lui serve un peu de “Perspective” accompagné d’une bouteille de Cheval Blanc 1947. Le serveur ne comprend pas ce qu’il veut dire… Pourquoi ? Parce que personne ne comprend rien à la Perspective, voilà pourquoi. De plus, cela paraît tellement éloigné de ce que en général on souhaite dessiner quand on est débutant. Alors on se demande si l’on est vraiment bien obligé ? Est-ce qu’on est vraiment obligé de maîtriser la perspective pour bien dessiner ?
J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise c’est que la réponse est oui, on est quand même un peu obligé, la bonne c’est que ce n’est pas la montagne que l’on croit. Connaître 2-3 astuces permettent de facilement comprendre les règles de bases de la Perspective et de dessiner à peu près tout ce que vous voulez. Je ne pense pas en revanche qu’il soit absolument nécessaire de connaître sur le bout des doigts TOUTES les règles de Perspective. Beaucoup sont inutiles pour le style de dessin que je partage sur ce blog. Nous ne faisons pas du dessin technique ou des plans d’architecture.
En revanche, il est indispensable de connaître les bases élémentaires de la discipline pour s’en servir dans nos dessins. En effet, le débutant que j’étais pensait que la Perspective ne servait qu’à dessiner des paysages et des décors. Dans la pratique on utilise les règles de perspectives dans CHAQUE dessin que l’on fait. Nos dessins sont, la plupart du temps, des représentations d’un monde en 3 dimensions et sont donc soumis à ces lois, qu’on le veuille ou non. Si tu as l’impression que tes dessins sont toujours un peu bancal, qu’ils manquent de volume, de solidité, en gros qu’ils se cassent un peu la figure…
…c’est certainement parce que ces lois de Perspective ne sont pas bien appliquées. Tu veux apprendre à vraiment dessiner ? Alors prends 5 minutes pour comprendre les quelques règles simples de la Perspective, c’est la base !
Lorsque l’on fait un dessin, on cherche à reproduire sur un plan 2D une représentation 3D. La perspective est cet outil géométrique qui nous permet d’opérer cette transition sur la feuille de papier. Plus nous appliquons ces règles de géométrie de façon précise, plus nous nous approchons d’un dessin réaliste. De même, plus nous prenons des libertés avec ces règles, plus nous nous rapprochons d’une représentation abstraite. Lorsque tu maîtriseras parfaitement toutes ces règles, tu auras alors la liberté de jouer avec, de t’en éloigner en toute conscience pour créer des représentations artistiques nouvelles. Pour l’instant, il va falloir se coltiner ce petit crash course de Perspective.
Nous créons l’illusion d’une troisième dimension sur la feuille de papier, il s’agit de la profondeur. Nous utilisons 4 outils principaux :
les lignes de fuites, les raccourcis, le chevauchement des masses et la notion d’échelle pour créer l’illusion de profondeur à travers la forme 2D générale de notre dessin.
Echelle
C’est probablement la règle de perspective la plus basique qui soit. Plus un objet est loin, plus il est petit. Lorsque l’on place sur un dessin des objets de taille facilement reconnaissable à des distances différentes, notre cerveau comprend instantanément qui est près et qui est loin et peut facilement évaluer la distance qui les sépare. Les objets n’ont évidemment pas besoin d’être identiques, nous connaissons tous la taille approximative d’un cheval, d’une voiture, d’un arbre, d’une montagne… Cela nous permet d’évaluer l’espacement des éléments avec ce simple principe de taille. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que ce principe n’est pas suffisant en soi, en effet, une forme plus petite ne signifie pas systématiquement qu’elle est plus loin, cela peut vouloir dire qu’elle est tout simplement plus petite.
Point de fuite
Impossible de parler de Perspective sans parler de point de fuite. C’est un concept très simple à comprendre. Nous l’avons vu précédemment, plus un objet est loin, plus il devient petit. Et il arrive un moment où l’objet est tellement loin (à l’horizon) qu’il n’est plus qu’un point.
L’exemple le plus parlant sont les étoiles, ce sont d’énormes masses mais tellement loin de nous qu’elles nous apparaissent comme de simples points lumineux dans le ciel. Sur Terre, cet effet est le plus évident lorsque l’on regarde un immeuble, ou mieux, que nous sommes à l’intérieur d’une grande pièce rectangulaire. Les murs sont bien parallèles les uns aux autres, et pourtant, visuellement, ils semblent se rejoindre en un point à l’horizon, le point de fuite ! On appelle cela la Perspective à un point de fuite.
Règle d’Or : Toutes les lignes parallèles entre elles dans la réalité se rejoignent au point de fuite sur votre dessin.
Si vous avez compris ça, vous avez compris 80% de ce qu’il faut savoir en Perspective. Du coup, le concept de Perspective à 2, ou même 3 points de fuites devient élémentaire mon cher Watson. Nous avons une ligne d’horizon sur laquelle il y a deux points de fuite. Si nous voulons dessiner une table par exemple, tous les côtés parallèles entre eux se prolongeront vers leur point de fuite respectif.
La différence avec la Perspective à un point c’est que l’objet représenté semble “pointer” vers le spectateur. C’est là que cela devient vraiment intéressant. Nous pouvons alors décider de jouer avec cet effet en variant la distance des points de fuite.
Plus nous éloignons les points de fuite, plus nous créons une représentation dite réaliste, semblable à notre vision, et plus nous rapprochons les points de fuite, plus nous exacerbons la partie de l’objet la plus proche de nous.
Pourquoi c’est important ? Parce que c’est une façon supplémentaire de contrôler le regard du spectateur, lorsque l’on réalise un dessin avec une Perspective exagérée comme celle-ci, il est très difficile de regarder ailleurs… Ça en est presque agressif.
Sur la photo de droite, les points de fuites sont beaucoup plus rapprochés et par conséquent la disproportion subie par la voiture raconte autre chose. A gauche, c’est une voiture. A droite c’est une voiture qui en jette, son phare avant droit vient vers nous de façon presque agressive. On ne voit que ça, l’oeil est obligé de regarder ce phare. Si l’on controle le regard du spectateur, on raconte quelque chose, on est déjà dans le storytelling.
Comment appliquer les règles de Perspective sur un personnage ?
Raccourcis
Qu’est-ce qu’un raccourci esthétique exactement ? C’est un objet subissant l’effet de la Perspective qui le “raccourci” en proportion. Les raccourcis rejoignent le principe des lignes convergentes vers un point de fuite, ce sont simplement des formes que nous voyons dans un espace 3D et qui deviennent plus petites avec la distance.
Dans sont célèbre “Christ peint en raccourci” aka La Lamentation sur le Christ mort, Mantegna réalisait une des premières représentation du Christ en perspective. C’était pour l’époque une approche tout à fait atypique et novatrice. Il était plutôt d’usage de représenter la mort du Christ en pied, elle fut ici représenté “vu des pieds” en mettant de façon inédite et provocante les pieds de Jésus au premier plan.
Cette représentation du corps de Jesus par un raccourcis perspectif est saisissant, il le fut pour les spectateurs de l’époque et continue à l’être aujourd’hui pour nos yeux pourtant habitués à la réalité photographique. Clairement Mantegna propose une approche beaucoup plus dramatique, réaliste et pesante de ce thème pictural si souvent représenté avec emphase. En mettant littéralement en avant les stigmates du Christ, on ressent le froid de la mort, la dureté du marbre et du corps, la solitude, l’humain dans sa chair… tout cela par l’utilisation d’un cadrage ingénieusement resserré et d’une perspective bluffante.
Le problème lorsque l’on dessine un personnage organique, c’est que l’on a rarement des lignes parallèles pour nous orienter et repérer les lignes de fuite. C’est pour cette raison que l’on apprend tout le temps à simplifier le corps humain en cubes, pavés et cylindres. Cela nous permet de comprendre les volumes et la perspective qui va avec. Lorsque l’on sait dessiner un cube en perspective, il est plus facile d’y placer un élément organique à l’intérieur. C’est comme cela que l’on arrive à gérer les raccourcis.
Comme on le voit, les raccourcis sont encore plus violent de face, où il devient difficile pour le cerveau de s’y retrouver. Lorsque l’on voit cela en vrai, notre cerveau se dit : “hmm, ce volume de jambe semble s’éloigner de moi, et des parties arrières du volume se cachent derrière les parties plus en avant.” Mais clairement ce n’est pas instantanément évident pour lui.
Overlap
Ou l’art de l’Overlap… Lorsque l’on dessine des formes organiques il y a très souvent des lignes et des formes qui se chevauchent les unes les autres. On parle d’overlap en anglais. Cela aide énormément pour percevoir la profondeur et comprendre ce qui est devant et ce qui est derrière. Un corps humain est fait de plusieurs petits volumes qui se superposent les uns les autres. On représente cet effet en faisant un overlap avec les lignes comme ceci :
Ainsi, le cerveau comprend la façon dont est agencé ce mille-feuille de formes qu’est le corps humain. Mais bien sur toutes ces règles sont valables pour toute représentation visuelle. Il est important de maîtriser ces concepts pour les appliquer à vos dessins, le plus rapidement possible. C’est la garantie de vous faire passer à un niveau supérieur rapidement car ce qu’il manque à 99.99 % des dessins des débutants, c’est cette idée de volume dans l’espace, cette idée de perspective qu’un œil, même non entrainé, capte dès la première seconde. Il est temps de faire de ces 4 règles basiques de la Perspective, une seconde nature pour plonger dans la 3° dimension de ta feuille de papier et donner enfin du relief à tes dessins !
Exercice :
Click sur ce lien et dessine sur ou souvent hors des photos le point de fuite en partant des lignes de fuites que tu pourras trouver. Essaye ensuite de croquer la photo en respectant parfaitement la composition et les proportions. Essaye de comprendre l’entrelacement des volumes et appliques les 4 principes vu dans cet article pour transmettre dans ton croquis l’espace 3D de la photo ! Poste le résultat dans les commentaires ou sur le groupe Facebook !
Dans la perspective de te retrouver pour un prochain article, je prends la fuite.
Yo !
PS: Une dernière chose. Lorsque je disais au début de l’exercice qu’une fois que tu maitriseras ces notions de bases tu pourras t’en émanciper. Voilà un petit film qui joue avec toutes les idées évoquées dans cette article de façon très créative et amusante !
A Different Perspective from Chris O’Hara on Vimeo.
Ref: Cet article reprend quelques éléments pédagogiques de cette video de Stan Prokopenko (en anglais).
A propos de Julie Fuster
Diplômée de l’Ecole du Louvre, auteur, rédactrice, traductrice… droguée aux mots sous toutes leurs formes.
A propos de Yoann Bomal
Artiste, blogueur, youtuber, entrepreneur, aime le beurre.
Fondateur du site apprendreledessin.com
Cago says
Merci pour cet article intéressant! J’aime beaucoup la vidéo que tu as mise à la fin.
Personnellement je pensais connaître la base de la perspective, mais en essayant de l’appliquer, je me suis rendu compte qu’il y avait plein de choses que je ne savais pas. Je me suis acheté le livre “Perspective made easy” d’Ernest Ralph Norling, je le conseille à tous ceux qui veulent aller un peu plus loin. Il est en anglais, mais c’est écrit dans un style facile à comprendre.
Yo says
Yes Merci Cago !
Je ne connais pas le livre « Perspective made easy » d’Ernest Ralph Norling mais je vais essayer de me le procurer et y jeter un oeil 😉