T’es-tu déjà demandé comment se fait-il que toutes les Princesses Disney de ces dernières années semblent toutes avoir la même tête ? A chaque fois que le Studio dévoile une nouvelle Princesse c’est la même rengaine. Je me rappelle quand le design de Raiponce a été dévoilé, on se disait tous aux Gobelins “whoaa c’est vraiment la même tête que Ariel mais en 3D” .. puis un an après on s’est dit que Anna c’était Raiponce avec des taches de rousseur et des tresses… Moana ? La fille de Big Hero 6 dont j’ai oublié le nom ? …. la même.
Autant lors de la renaissance de Disney des années 90, Glen Keane et ses potes ont essayé de vraiment varier les designs des princesses et des personnages féminins selon les films. Que cela soit Jasmine, Mulan, Megara, Belle ou Pocahontas on peut en toute honnêteté dire que leurs designs sont variables, c’est clairement un personnage différent à chaque film. Mais depuis que le studio aux grandes oreilles est passé à la 3D, on dirait que cette belle idée est restée coincée dans l’entre deux. C’est comme si Disney avait trouvé une recette de Design qui était tellement apealing qu’il la répétait sans cesse pour tous ses personnages en ne changeant que quelques détails à chaque fois…
Si on veut trouver la Princesse prototype ou la… Proto-Princesse ? Je ne sais pas si ça se dit…. BREF, la Princesse qui fut le modèle de base pour toutes les Princesses 3D à venir, il s’agit bien de Ariel, la petite Sirène.
Je te vois déjà venir en me disant que ça te fait une belle jambe, je te répondrais qu’Ariel ne peut pas en dire autant ! Allons plus loin… C’est Glen Keane qui est responsable du Design de la Sirène et il suffit de regarder un de ces model sheets qui explique à tous les animateurs comment dessiner le personnage la différence avec… la Fred Moore’s Girl, en français La Fille de Fred Moore.
On peut donc penser que cet historique de design féminin des Studios Disney a pour origine un homme… un certain Fred Moore.
A seulement 18 ans, l’ami Fred est engagé par les studios Disney grâce à un portfolio qu’il ne doit qu’à ses talents (l’Histoire parle de quelques cours de dessin au lycée, mais faut pas charrier). A cette époque, les films d’animation n’étaient pas spécialement fou-fou en terme d’esthétique, il n’y a qu’à se rappeler la tête du Mickey de l’époque pour en être convaincu… Les mouvements et les expressions faciales des personnages étaient réduites au minimum et souvent elles étaient toutes les mêmes. En 15 années de collaboration, le style Fred Moore a donc révolutionné l’esthétique Disney de l’intérieur : avec les “Trois Petits Cochons”, son premier fait d’arme et véritable coup de maître, il prouve que trois personnages aux physiques similaires peuvent se différencier totalement grâce à des expressions faciales individualisées et des démarches qui en disent plus que les costumes eux-mêmes.
C’est suite à cette réussite que Walt va donc naturellement le nommer directeur de l’animation des nains dans son premier long-métrage “Blanche-Neige et les Septs Nains”. Là il ne sont plus trois mais sept et il réussi encore le tour de force d’insuffler de l’humour et de donner une personnalité différente à chaque nain.
Son grand fait d’armes aura été de révolutionner le design de Mickey dans “l’Apprenti sorcier” de Fantasia. Grâce à lui, on passe d’une souris légèrement flippante et hystérique à un personnage aux traits fluides, au regard doux et décidé, qui bouge avec une maladresse gracieuse ultra-charmante tout le long du film. C’est ce style rond, à la fois fluide et précis qui fait le succès des dessins de Fred Moore et ensuite, des Studio Disney. Bien vite, ses collègues et concurrents tentèrent de l’imiter avec plus ou moins de succès, d’autant plus que Moore enchaîne les tours de force : les Centaurettes de la Symphonie Pastorale dans Fantasia ? C’est lui (le mec a réussi à dessiner des “femmes-cheval” super sexuelles sans jamais rien montrer). Timothée, le copain souris de Dumbo ? C’est lui ( la scène géniale où il est complètement bourré tout en restant adorable). Mais aussi les souris de Cendrillon, le Lapin blanc d’Alice au Pays des Merveilles et les sirènes de Peter Pan… ça fout une claque, hein ?
Fred est donc resté dans la postérité pour ses “girls” on les appelait les “Fred Moore’s Girls”… C’était une des particularités de ce grand artiste, il dessinait sans cesse des femmes nues sur des feuilles qu’il offrait aux gens autour de lui, ses dessins traînaient partout dans le studio, des dessins qui n’auraient jamais pu finir dans un film Disney soyons clair, mais c’était une patte si forte dans le design du féminin qu’il marqua durablement le studio.
Il y a bien sur eu les Centorettes de Fantasia, les Sirènes (tiens donc…) de Peter Pan mais l’apogée de Fred Moore’s girl fut le court-métrage All the Cats Joint In.
Aujourd’hui on observe l’évolution de la figure féminine au fil des productions Disney qui a pour origine ces petits croquis coquins éparpillés sur les bureaux des animateurs. A ce propos je vous conseille fortement ce livre Les Héroïnes Disney de Christian Renaut, aujourd’hui plus édité malheureusement mais qui reste la référence sur cette question.
Lorsque dans les années 80, le studio Disney coulait littéralement, il faudra bien une sirène pour les remonter à la surface. Et Glen Keane responsable de cette Sirène repensera tout de suite à l’héritage de Fred Moore. Dans cette vidéo on voit Glen Keane parler de l’influence de Fred Moore sur Ollie Johnston (dont il fut l’élève) et sur tout le reste du studio.
Fred Moore mourra tragiquement dans un accident de voiture à seulement 41 ans, il venait de terminer un court métrage qui est resté dans l’histoire des studios : “Casey Bats Again”. J’ai la chance d’être en possession d’un des dessins originaux de Fred Moore tiré de ce cartoon.
Il pose fièrement dans mon salon, sous l’écran de cinéma… Cette girl de Fred qui frappe un grand coup, le coup d’envoi d’une succession ininterrompue de personnages féminins chez Disney pour les décennies à venir.
Merci Fred, t’es un aMoore !
Pour aller plus loin :
Article : Tous les personnages féminins de Disney sont les mêmes